Le lancement de la 3ème génération de Leon l’an passé a marqué un tournant pour la marque SEAT. En pleine ré-invention, le constructeur innove aujourd’hui en lançant SEATSECOMPARE.com, le premier site web qui permet de comparer les modèles de la gamme avec leurs concurrents et de vérifier ainsi la promesse produit de manière objective. De quoi piquer notre curiosité ! Rencontre avec l’homme orchestre de tous ces changements en France, David GENDRY, Directeur Marketing de SEAT France.
David Gendry, Directeur Marketing SEAT France
Automotive Marketing (AM) : Avant de commencer, pourriez-vous svp nous présenter en quelques mots votre parcours ?
David Gendry (DG) : Je suis Directeur Marketing de SEAT France depuis deux ans. Auparavant, j’ai une carrière exclusivement automobile : j’ai passé 12 ans chez Peugeot où j’ai eu un parcours essentiellement international, mon dernier poste était Directeur Marketing de la marque en République Tchèque, à Prague. J’ai un parcours assez atypique puisque j’ai une formation juridique. Quand j’étais chez Peugeot, je m’occupais de tous les aspects juridiques de l’entité marketing et j’ai trouvé cela plus intéressant que ce que je faisais. J’ai la chance qu’on m’ait fait confiance pour que je puisse basculer du juridique vers le marketing.
AM : Comment définiriez-vous SEAT aujourd’hui? Son image de marque, ses valeurs ?
DG : L’image et les valeurs de la marque sont encore floues pour le public. Comment définir SEAT alors? C’est la marque qui bénéficie de la technologie utile de Volkswagen Group et qui y ajoute le côté fun avec du design, des lignes tendues et sportives. Le maitre mot de SEAT c’est : « young spirited ». Avant, la marque était une marque de jeunes et on doit se séparer de cela. Mais elle doit être aujourd’hui l’incarnation de la marque pour celles et ceux qui veulent rester jeunes. C’est la conjonction entre le côté germanique rationnel et le côté plus émotionnel apporté par son ancrage ibérique. Enjoyneering –NDLR : la nouvelle signature de marque de SEAT– ce doit d’être cela.
AM : Justement, pour le grand public, cette signature est-elle claire ?
DG : Cette signature n’est pas réellement adaptée à notre marché.. D’ailleurs, en France, nous allons désormais plutôt mettre en avant un autre claim, « technology to enjoy » qui est à mon avis plus simple. Enjoyneering est plus vu comme un guideline en interne désormais, pour nous comme notre réseau.
AM : Vous parliez de l’âge de la clientèle SEAT. Vos efforts sur ce point sont-ils récompensés ?
DG : Nous sommes passés de 39 à 41 ans dans la dernière étude. L’évolution est donc significative et va dans le bon sens. Leon nous apporte clairement un nouveau profil de clients qui ne s’intéressaient pas à la marque SEAT jusqu’alors et c’est tout notre défi. Faire de la conquête sur des cibles, les familles notamment, qui aujourd’hui ne considèrent pas la marque. Et le deuxième défi, c’est bien sûr de fidéliser les clients qui aiment nos produits pour qu’ils restent dans la marque.
Le problème marketing de SEAT est très simple, c’est un problème de considération. On a un niveau de notoriété correct, raisonnable par rapport à nos objectifs commerciaux. Notre vrai problème c’est que certains acheteurs nous connaissent mais ne nous considèrent pas, du fait de cette étiquette « jeune ». Notre travail est vraiment de recharger la marque en crédibilité auprès de ces cibles pour séduire des gens qui ont envie d’avoir des véhicules avec un bon niveau de technologie et un design sympa.
AM : En termes de produits, cela se matérialise par un focus plus important sur la Leon et moins sur l’Ibiza (NDLR : le modèle le plus vendu de la gamme) ?
DG : La Leon, c’est vraiment le flagship parce que c’est la première voiture issue de la nouvelle plate-forme du groupe MQB. C’est aussi un flagship en termes de communication. Mais Ibiza reste également au cœur de cette stratégie car c’est le produit n°1 de nos ventes. Et pour de nombreux clients, l’Ibiza est l’icône de la marque SEAT.
Ibiza série spéciale 30ème anniversaire
AM : Vous parliez de la fidélisation des clients. Arrivez-vous à basculer des clients Ibiza vers Leon ?
DG : C’est notre gros défi. On a un taux de loyauté qui est assez faible, l’un des plus bas du marché -34%- ce qui n’est pas très bon. Les clients sont satisfaits de leur voiture comme le montre les études NCBS –NDLR : études clients indépendantes réalisées pour le compte de tous les constructeurs européens par un institut de sondage-, le niveau de satisfaction des clients SEAT est supérieur au marché. On a une Ibiza quand on est jeune puis, en évoluant dans la vie, on souhaite une voiture plus sérieuse…. Nous pensons que nous avons désormais un coup à jouer en proposant avec Leon la réponse à ces clients là. Ce transfert ne se fait pas encore comme on le voudrait car cela prend du temps de re-clarifier la stratégie de marque et de trouver le bon discours envers les clients mais le produit Leon est bon donc nous ne sommes pas inquiets.
AM : Et comment situez-vous les autres produits de la gamme SEAT ? On a un peu l’impression d’un patchwork aujourd’hui…
DG : Il faut qu’on soit lucide par rapport à l’industrie et au marché actuel. Nous sommes une petite marque et on doit donc optimiser les synergies avec les autres marques du groupe comme c’est le cas avec Mii (cousine des VW up ! et Skoda Citigo) et Alhambra (cousin du VW Sharan) qu’on n’aurait pas pu réaliser seuls. On essaie d’être opportuniste mais aussi de customiser les voitures pour qu’elles aient au maximum l’esprit SEAT.
AM : Etes-vous satisfaits des performances commerciales de ces produits « partagés » ?
DG : Sur Mii, nous ne sommes pour le moment pas satisfaits. Elle a un manque de notoriété car elle a été mal comprise par la clientèle comme par le réseau à son lancement. A l’opposé, Alhambra est un produit qui fonctionne très bien avec plus de 14% de part de marché ! Il est clairement reconnu comme le meilleur produit –avec le Sharan- de sa catégorie.
AM : Allez-vous essayer de « relancer » la Mii ?
DG : Oui, clairement car nous croyons en son potentiel. Nous lancerons à la rentrée de septembre une série spéciale créée avec Mango qui sera très spécifique, très personnalisée. On va ainsi bénéficier de la notoriété de Mango qui va nous permettre de raconter de nouvelles histoires autour du produit afin de développer sa notoriété et la confiance des clients dans ce produit.
AM : Et la Toledo ?
DG : Elle évolue sur un segment très compliqué ! Les volumes sont faibles sur le marché français et les constructeurs qui y ont des produits y sont très implantés. C’est chez nous un marché de niche et c’est un produit plus adapté à l’Espagne et les pays d’Europe de l’est. C’est pour nous un complément de gamme,.
AM : Quels objectifs commerciaux pour SEAT en 2014 sur le marché français ?
DG : On a deux objectifs : d’abord, progresser en part de marché -1,5%- mais aussi faire des ventes rentables. C’est pour cela qu’on ne fait que peu de ventes à loueurs ou que les conditions de véhicules de démonstration dans le réseau sont très strictes. Notre stratégie est de chercher une croissance saine. Sur le premier trimestre, on fait plus 25% sur Leon, tandis qu’Ibiza est stable. Nous sommes donc sur la bonne voie.
AM : Avant de lancer SEATSECOMPARE.com (SSC), vous aviez lancé SEAT Connected People qui a disparu… Ne peut-on pas craindre la même chose avec SSC une fois la communication passée ?
DG : Seat Connected People (SCP) n’a pas disparu. Cette plate-forme va être intégrée à SEATSECOMPARE.COM très prochainement avec une profonde ré-orentation. Avec la première version, on a beaucoup appris, notamment que l’aspect communautaire était moins important que le côté business. Très curieusement, les internautes cherchaient avant tout à discuter avec un vrai vendeur pour avoir un devis, une estimation de reprise etc… . On va donc faire évoluer les choses avec « my project » qui sera donc la suite de SCP qui est en phase de test avant un lancement fin mai/juin.
AM : Vous venez de lancer SEATSECOMPARE.com le 12 mars. Quel en est l’enjeu ?
DG : SEATSECOMPARE.com est né de deux constats. Le premier est qu’on a une position un peu particulière : on a d’un côté des clients très satisfaits de leur voiture et de l’autre une image un peu brouillée donc un décalage entre les deux. On se dit donc qu’on n’a rien à perdre à expliquer les technologies du groupe présentes sur nos véhicules. On a plein de choses à faire valoir qui peuvent surprendre les gens qui n’ont pas une image très claire de nous. Le 2ème point concerne l’environnement automobile en général. Quand on regarde la TV, on constate que l’automobile est partout. Très honnêtement, je pense que les clients n’y comprennent plus rien entre les remises, les prix nets, les avantages client, les crédits, les LLD, les produits financiers, les packs « tout compris »,… . Même nous qui sommes dans l’automobile, on a fait le test, on a mis bout à bout tous les packshots de la concurrence en septembre et on les a présentés à notre Direction. On a dit : voilà la France et on a demandé « quelle est la meilleure offre que vous venez de voir ? ». Forcément, personne ne peut répondre à cette question. Et encore moins le client qui n’est pas totalement informé et qui ne baigne pas dans l’auto au quotidien. Le consommateur est aujourd’hui perdu. Croit-il vraiment tout ce qu’on lui raconte ? Pas sûr…
On a alors cherché ce qu’on pouvait faire pour émerger. Sans être révolutionnaire dans l’aspect, il y a une tendance de fond qui est celle de la transparence. Aujourd’hui, les gens ont envie qu’on arrête de les prendre pour des imbéciles et qu’on leur donne des outils qui leur permettent de se faire leur propre avis. L’idée de SSC, c’est ça. Au lieu de te dire quelle est ma promo, je te donne l’outil qui te permet de savoir si le produit que je te propose est celui dont tu as besoin. Chacun de nos produits aura une promesse. Sur la Leon, on pense que nous n’avons pas à rougir de ses aspects de performance, même si on a hésité avec les aspects de sécurité qui sont également très présents. On présente donc objectivement les performances de la voiture avec des données qui proviennent de Jato -base de données autos- et avec une méthodologie établie par L’Argus. La vérification de la promesse se voit de manière visuelle, c’est un parti pris, avec des barres de couleurs qui sont inspirées des compte-tours de Leon et permettent de visualiser immédiatement un récapitulatif sans donner une impression de note.
Pour les clients qui cherchent une voiture performante, on a une vraie promesse à leur faire. Inversement, on ne cherche pas dire qu’elle est la plus économe ou la plus confortable. Chacun des modèles aura sa promesse et on dit au consommateur que cette promesse est vraie d’après des données objectives. On le constate d’ailleurs immédiatement, la Leon ne gagne pas sur chaque item. Nous avons joué la transparence.
AM : Pourquoi avoir choisi de mettre en avant la performance sur Leon ? C’est le premier critère d’achat sur Leon ou le premier critère d’achat que vous souhaiteriez? N’est-ce pas le risque de se couper d’une partie de clientèle sur d’autres items ?
DG : On a décidé de prendre un parti-pris. On s’adresse à une cible particulière et on sait que le client SEAT n’a pas renoncé au plaisir de conduire, notamment le client Leon. L’autre point, c’est aussi que, de manière factuelle, c’est l’item sur lequel nous avions le plus de choses à dire. Mais ce n’est cet aspect qui sera choisi pour tous les véhicules. Sur Ibiza par exemple, on va mettre en avant le rapport prix/équipements/offre commerciale tandis que sur Mii, disons que la série by Mango sera mise en avant…
AM : Vous communiquez sur le site SEATSECOMPARE.COM alors même qu’il n’est pour le moment opérationnel que sur la gamme Leon. N’est-ce pas prendre le risque de créer de la déception ?
DG : On a décidé de le lancer pour 2 raisons. Leon est le flagship d’abord. Ensuite, on est très modeste et donc on sait qu’on va évoluer en fonction des retours. Quand il y a de l’innovation, il y a forcément une part de risque et d’apprentissage. Donc on s’est dit que ces trois mois seront utiles pour que lors du lancement de tous les modèles, en juin, nous aurons fait évoluer le site de manière positive.
AM : Quels sont les premiers retours ?
DG : Déjà, nous sommes très surpris du nombre de visites. Plus de 800 000 sur les dix premiers jours de lancement ! On a triplé notre trend naturel. On a vraiment créé de la curiosité ! La première partie du travail est faite. On l’a observé lors de focus groupes : de nombreuses personnes ont eu envie d’en savoir plus sur les produits après avoir été sur SSC. Ces mêmes gens, le jour où ils changeront leur voiture, auront alors SEAT en tête. C’est là qu’on aura réussi le repositionnement de la marque. On a plein de commentaires sur l’outil ou encore les passionnés qui cherchent les erreurs sur le site. Par exemple en voulant nous opposer des concurrentes sur les données de la Leon Cupra 280 ! C’est assez amusant que les gens se prennent au jeu comme cela. Globalement, les retours sont très positifs.
AM : Au sujet des concurrentes présentes sur le site. Comment les avez-vous choisies ?
DG : On a pris le Top 5 des immatriculations issues de la base de données officielles AAA. On a été parfois surpris sur les positions commerciales des concurrentes. Il y a par exemple beaucoup de premium et ce n’est pas forcément la cible de clients qu’on vise. L’une des évolutions du site sera de proposer un top 10 et les clients composeront eux-mêmes la sélection des voitures auxquelles ils veulent confronter nos produits.
AM : Vous avez fait le choix de ne pas mettre les voitures de Volkswagen Group. Pourquoi ?
DG : D’abord, on ne s’en cache pas. On a une stratégie de groupe donc on ne s’oppose pas aux concurrentes internes, ça n’est pas l’intérêt du groupe. Lors des tests, les gens auraient bien entendu préféré que cela y soit, du point de vue bénéfice client. Mais dès lors qu’on explique pourquoi ce choix, les gens comprennent. Le gros piège aurait été de ne pas le dire ou de vouloir le cacher. Nous l’indiquons clairement sur le site.
AM : Pourtant le réseau SEAT partage parfois ses murs avec d’autres marques du groupe, et, dans ce cas, la comparaison existe. Ca ne pose pas un souci pour les membres du réseau que la maison-mère ne veuille pas se comparer alors même qu’eux y sont confrontés ?
DG : En fait, ça n’arrive pas en concession car les profils de clients sont différents. La marque avec laquelle on pourrait être le plus en concurrence interne, c’est Skoda. VW et Audi ont des profils de clients très distincts du nôtre. Mais la réalité est que le client n’est pas le même. Sans vouloir parler au nom de mon homologue Skoda, leur client est plus âgé et à la recherche de choses différentes du client SEAT. Donc il n’y a pas de remontée réseau sur ce point. C’est une des forces des stratégies marketing des marques du groupe.
AM : SEATSECOMPARE.com, c’est combien de mois de travail ?
DG : Six mois de travail intense ! Même le jour J, les équipes ont encore été mobilisées jusque tard dans la nuit pour le lancement. On sait que ça prendra du temps pour l’installer mais c’est un axe stratégique dans lequel on croit vraiment. C’est vraiment quelque chose qui fait émerger la marque. Le risque, c’est surtout de faire la publicité que tout le monde fait et donc ne pas émerger. Avec SEATSECOMPARE.com, on existe, on nous remarque.
AM : Comment SEATSECOMPARE.com est-il perçu par le réseau ?
DG : Fantastiquement bien ! On a équipé l’ensemble du réseau d’iPad pour qu’ils puissent utiliser l’outil. Leur premier retour est qu’ils sont contents qu’on parle du produit avant de parler de remise ou d’offre commerciale. Le réseau voit ça comme une vraie innovation et voit désormais une direction claire pour la marque. Une de nos grandes fiertés est que le réseau est totalement derrière nous pour porter le projet !
AM : Les évolutions futures de SEATSECOMPARE.com ?
DG : Le 19 mai avec le lancement de la gamme Ibiza sur le site. Et puis des évolutions sur les graphismes et des éléments d’ergonomie. Les grosses évolutions, c’est l’ajout des modèles au fur et à mesure du temps.
AM : Vous avez eu des retours de concurrents ?
DG : Seulement de manière off, et c’est plutôt positif. C’est vu comme quelque chose d’intéressant mais pas inquiétant car nous sommes dans une démarche de transparence, notamment avec les coupures de presse où figurent les essais et comparatifs positifs mais aussi ceux dans lesquels la Leon s’incline face à la concurrence.
AM : Comment est-ce perçu par le siège de SEAT ?
DG : Avec beaucoup d’intérêts et de curiosité. Si cela fonctionne en France, il est probable que l’outil soit lancé dans d’autres pays.
AM : Quelques mots sur la Leon ST que nous avons essayée (à lire ici) ?
DG : Ça démarre bien. Les retours sont très positifs. Le niveau de commande est correct, bien perçu par le réseau et la presse. C’est un vrai véhicule de conquête, notamment sur les entreprises. La voiture illustre bien notre nouveau positionnement.
AM : A quoi peut-on s’attendre en termes de produits?
DG : Un SUV en 2016. Et plus près de nous, la Leon ST Xperience qui sera présentée au Mondial de l’automobile. C’est une version typée tous chemins, c’est un beau produit, un véritable coup de cœur pour nous. Nous lançons aussi la Leon Cupra qui fait partie de l’ADN de la marque. La nouvelle Leon est la plus puissante des Cupra qui ait existé. Elle est dotée d’une suspension pilotée et garde ses aptitudes sportives tout en affichant un design moins extravagant que par le passé. Une véritable sportive à utiliser au quotidien, polyvalente.
SEAT Leon Cupra et Leon Cupra 280
AM : En quel véhicule roulez-vous ?
DG : Une Leon ST TDI 184ch DSG. Le TDI est très agréable à conduire, très souple. C’est d’un confort et d’un plaisir incroyables. C’est aussi une voiture que je trouve très belle et qui est aussi très pratique quand on a deux enfants comme moi !
Un grand merci à David Gendry pour cet entretien (qui a duré plus d’une heure) et sa passion communicative! Merci également à Agnès Giordano et Arnaud Hacault pour l’organisation de cet échange.
Merci pour cette interview! Important de savoir pour nous, vendeurs, que les gens qui prennent les d
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