Circuit Paul Ricard. Bien plus qu’un circuit, c’est une vraie marque, qui existe depuis plus de cinquante ans. Une marque qui a engagé sa métamorphose sous l’impulsion de Stéphane CLAIR, son Directeur Général. Rencontre passionnante avec un passionné de sports mécaniques mais aussi de marketing. Entrez avec moi dans les coulisses du Circuit Paul Ricard. Entretien.
Frédéric MARTINEZ (Automotive-marketing.fr) : Avant de devenir Directeur Général du Circuit Paul Ricard, quel a été votre parcours ?
Stéphane CLAIR (Directeur Général Circuit Paul Ricard) : Il y a un point commun dans tout mon parcours professionnel : la passion. Et j’ai la chance de vivre de ma passion pour les sports mécaniques. N’entendez par-là pas seulement l’auto ou la moto, mais vraiment que cela inclut l’événementiel et la gestion d’entreprise. J’ai commencé dans la communication, en presse écrite, radio et TV. Puis j’ai travaillé dans la communication d’entreprise en tant que Responsable Marketing et Communication de l’aéroport de Marseille.
“Il y a un point commun dans tout mon parcours professionnel : la passion.”
Stéphane Clair, DG du Circuit Paul Ricard
Après cette expérience, j’ai rejoint une agence événementielle comme Chef de Projet et Associé. Nous avons commencé à gérer des événements autour des sports mécaniques, d’abord dans le rallye raid. Puis j’ai quitté l’agence mais j’ai continué à travailler dans l’événementiel, en gérant un salon professionnel de la moto. C’est comme ça que j’ai été en contact avec le circuit, que je louais pour des événements. Lorsque les propriétaires se sont mis en quête d’un nouveau Directeur Général, ils me connaissaient et m’ont proposé le poste. J’ai un peu hésité car je devenais gérant et non plus à la tête de mon entreprise. Mais quand ils m’ont dit de la gérer comme si c’était le cas, j’ai su que nous allions bien nous entendre et j’ai accepté.
Frédéric MARTINEZ : Comment s’est passée votre arrivée à la tête du circuit en 2011 ?
Stéphane CLAIR (DG Circuit Paul Ricard) : J’ai rapidement identifié qu’il y avait des gros enjeux côté marketing et communication. En effet, le circuit était déjà magnifique, il venait d’être réinventé sur les aspects technologiques et organisationnels. Mais il était très fermé sur lui-même, très centré sur une activité de niche, les essais, en particulier automobiles, avec trop peu d’ouvertures à d’autres choses.
Je suis donc arrivé au moment où la stratégie d’ouvrir le circuit vers plus de clients mais aussi le grand public avait été décidée. Il restait à l’orchestrer et l’accélérer.
Mon recrutement s’est fait sur ce savoir-faire de faire venir des gens, de commercialiser et positionner un produit. Je suis Directeur Général, certes, mais au départ, un Directeur Marketing & Communication. J’ai ainsi fait monter en puissance des départements qui n’étaient pas majeurs jusque-là au sein de l’organisation. En donnant une vraie place au développement commercial, à l’événementiel et la communication. Une place et une importance d’ailleurs assez rares dans les circuits.
Pourquoi cela ?
Stéphane CLAIR : Faire tourner des voitures en rond sur une piste, nous sommes nombreux à savoir le faire. Certes, ici au Paul Ricard, on sait particulièrement bien le faire. Mais ce n’est pas suffisant pour faire vivre et se développer l’entreprise. Dire cela, au départ, ça a surpris les propriétaires du circuit. Leur principale inquiétude était la rigueur et une organisation sportive de qualité. Mais ils ont vite été rassurés. Car nous n’avons pas du tout perdu en cela, bien au contraire. Mais on a aussi misé sur tout le reste ! C’est ce qui a permis de positionner le circuit Paul Ricard comme une référence nationale et internationale, et comme le 1er circuit en France. Bien sûr, nous avons des confrères qui accueillent avec succès de grands événements, comme le circuit Bugatti avec les 24h du Mans, l’événement de sport automobile numéro 1. Mais notre taux d’occupation, le nombre de clients et de manifestations que nous accueillons chaque année, ça n’existe nulle part ailleurs et c’est notamment car nous sommes aussi numéro 1 en termes de marketing et communication.
C’est dans ce but que j’ai emmené le circuit dans les aventures de la F1, du Bol d’Or et du Grand Prix Camions. Ce sont trois rendez-vous majeurs qui ont contribué à repositionner le circuit. C’est finalement un retour aux sources que de s’appuyer sur des événements populaires et internationaux, comme l’était le circuit en 1970 sous Paul Ricard. Qui, il faut le dire, faisait déjà du marketing sportif et du naming il y a cinquante ans !
Si finalement, on devait résumer en quelques mots ce qu’est la stratégie du Circuit Paul Ricard aujourd’hui ?
Stéphane CLAIR : Elle est mixte. A la fois premium, parce qu’on a un niveau de prestations et des clients premium. Et populaire. C’est finalement la magie du circuit Paul Ricard : tout le monde y a sa place. On a cette capacité à jongler, dans la même semaine, entre le lancement d’une Bugatti et un événement de passionnés, tel qu’un club moto qui va venir rouler le week-end. Je crois que c’est assez unique.
Vous exercez un métier qui fait rêver les passionnés de sports mécaniques, comme les professionnels du marketing et de la communication. Mais finalement, c’est quoi le quotidien de Stéphane CLAIR ?
Stéphane CLAIR : C’est tout simplement le quotidien d’un gestionnaire de PME. Qui a des problématiques de RH, d’administration, de finance, de questions règlementaires. Ce qui est peut-être différent, c’est la chance d’avoir un produit, le circuit, et une marque, Circuit Paul Ricard, qui sont passionnants ! La récompense de tout ce travail, c’est peut-être, quand je me tourne, de voir depuis mon bureau de belles voitures. Ou rencontrer les plus grands pilotes. Mais c’est aussi un métier exigeant, tourné vers l’événementiel, où il n’y pas de routine. Chaque journée est différente, avec des problématiques différentes et des publics différents. D’ailleurs, je parle d’un produit, mais on a la chance d’avoir une multitude de produits. Qui permettent d’appréhender des stratégies différentes, de tester des choses avec les équipes. C’est ça qui est formidable et qui fait oublier le côté simple gestionnaire d’une entreprise d’une centaine de collaborateurs qui fait 27 millions d’euros de CA.
“Mon quotidien? Celui d’un gestionnaire de PME… qui a la chance d’avoir un produit, le circuit, et une marque, Circuit Paul Ricard, exceptionnels et passionnants!“
Stéphane Clair, DG du Circuit Paul Ricard
Comment se fait la mise en musique de tout ça ?
Stéphane CLAIR : Le métier s’exerce en deux temps. D’abord en B2B. Nous avons la chance de ne pas avoir à aller chercher des clients, ce sont plutôt eux qui viennent à nous. Mais cette situation, confortable, c’est le fruit de tout le travail qu’on a mené depuis douze ans. On a réussi à passer d’une situation où le circuit avait besoin de notoriété, d’aller chercher des clients, à une situation où le circuit est connu et reconnu pour son savoir-faire, tout le monde sait qu’on peut y faire de beaux événements. Le plus complexe finalement, c’est de monter le calendrier de tous ces événements. Car il ne dépend pas que de nous et de nos clients. Mais de tous les autres circuits, de tous les championnats et de la saisonnalité qui existe en matière d’événementiel des sports mécaniques. C’est donc un travail d’équilibriste que de construire ce calendrier.
Mais je suis convaincu qu’on ne peut pas se satisfaire de cette situation. Il nous faut surtout travailler à anticiper, à préparer l’avenir et s’orienter vers de nouveaux événements, de nouvelles disciplines. C’est ce qu’on a réussi à faire avec des nouveaux rendez-vous autour de la mobilité douce. Désormais, on organise des événements autour du vélo, de la course à pied… Notre travail est aussi là. D’autant qu’on travaille de longue date à inclure le circuit dans le respect de l’environnement et le développement durable.
La seconde partie de notre activité, c’est d’aider les organisateurs à réussir leur événement pour qu’il soit un succès et qu’ils aient envie de revenir. Dans ce cadre, on offre deux possibilités : soit nous travaillons main dans la main, en co-production, nous prenons donc les risques ensemble, et on participe alors à toute la stratégie et son déploiement. Soit on reçoit et on met alors à disposition du client notre savoir-faire en matière de communication. On l’accompagne donc à faire connaître son événement, à recruter des spectateurs, que ce soit au niveau local, régional ou national.
Quel est le profil des spectateurs qui viennent au Circuit Paul Ricard et comment sont-ils recrutés?
Stéphane CLAIR : D’abord, nous avons une base d’ultra-passionnés, environ 3000, qui sont là chaque week-end et avec lesquels nous avons un lien très privilégié, on communique avec eux très directement. Et puis tous les autres publics, qui sont très différents selon les événements. Rappelons que le circuit, propose, un week-end sur deux en moyenne, des événements ouverts au grand public.
Pour illustrer mon propos, s’est déroulée il y a peu la 3ème édition du Grand Prix de France Historique. On a positionné cet événement comme le rendez-vous des passionnés de monoplaces, mais on a surtout voulu en faire un événement familial qui touche toutes les générations. On a donc monté un dispositif avec l’organisateur où le sportif n’est presque qu’un prétexte. L’idée principale étant vraiment de créer un événement intergénérationnel de passion autour des sports mécaniques. Que le grand père montre à ses petits-enfants les monoplaces de sa jeunesse. Et que les plus jeunes montrent à leurs aînés ce qui les passionnent aujourd’hui. Pour réussir, l’événement ayant accueilli plus de 52 000 spectateurs, on est allé sur des canaux de marketing et de communication nouveaux.
Qu’avez-vous mis en place ?
Stéphane CLAIR : Un événement comme celui-ci, c’est un an de travail pour nous. Qui plus est sur ce cas précis où l’organisateur avait déjà deux ans d’expérience. Nous avons donc été en support pour créer de l’engouement autour de l’événement. Et c’est là où nos compétences font la différence. On a vu très vite qu’il y avait un problème de positionnement tarifaire, un potentiel d’hospitalités important et une déception du public par rapport à l’expérience spectateur lors des années précédentes.
On a donc travaillé ces trois aspects. Pour l’hospitalité, on a réfléchi à comment en faire un moment fort dans la vie des entreprises régionales. Certaines avaient l’expérience de la F1 moderne, contentes du réceptif mais se plaignaient du manque de proximité avec les pilotes. Donc on a conçu un dispositif où les invités pouvaient rencontrer les pilotes, s’installer dans une voiture et être à proximité pour vivre la course.
Puisque l’objectif était d’en faire un événement populaire, on a baissé les tarifs mais on a aussi créé des « coups » via les réseaux sociaux pour rapidement mesurer le potentiel de la billetterie. On a d’ailleurs fait un lancement tonitruant à un moment où les passionnés d’historiques étaient réunis avec une offre spéciale « 1 place achetée = 1 place offerte » qui a permis de créer un véritable engouement.
Et côté expérience spectateur?
Stéphane CLAIR : On s’est posé la question “Pourquoi les spectateurs viennent-ils ?” Pour manger, donc on a créé une offre de restauration multiple et adaptées. Rencontrer les pilotes, donc on a organisé des séances de dédicaces. Et bien évidemment, pour voir des courses. Pour que cela soit plus agréable, à une période où la météo peut être incertaine, on a couvert les tribunes. Puis on a imaginé un programme d’animations, avec l’ouverture de la grille de départ, la visite des stands etc…
On a cherché à faire vivre à chacun une journée incroyable. Cela crée un facteur démultiplicateur : chacun va partager sur ses réseaux ses impressions, son selfie avec un pilote… ce qui donnera à encore plus de monde l’envie de venir l’année prochaine. C’est comme ça que l’on crée de l’engouement.
Cette 3ème édition ayant été un succès, le rendez-vous est pris pour la prochaine au Circuit Paul Ricard ?
Stéphane CLAIR : Oui, je peux vous confirmer que le prochain Grand Prix Historique se tiendra au Circuit Paul Ricard. La date n’est pas encore calée à cause des questions de calendrier que je vous évoquais. On travaille déjà l’événement de l’an prochain, en améliorant par exemple les hospitalités qui devront être supérieures en nombre pour répondre aux demandes très importantes des entreprises.
Finalement, si on doit résumer vos douze années à la tête du circuit, c’est une belle réussite ?
Stéphane CLAIR : Je dirais qu’on est arrivés à une certaine maturité. La notoriété du circuit y est pour beaucoup. La stratégie d’accueillir la F1 pour mettre le niveau de notoriété de Paul Ricard au plus haut en matière d’événementiel sportif fonctionne aussi bien à l’international, que sur la clientèle du spectateur d’événement. Le circuit est un centre d’intérêt y compris pour des gens qui ne sont pas du tout passionnés par l’automobile. Cela on l’a acquis par la F1 certes, mais aussi par la qualité de notre stratégie de diversification qui fait que, même si on n’aime pas spécialement les sports mécaniques, on passera un bon moment au circuit Paul Ricard.
Ainsi, de manière permanente, grâce à notre Xtrem Park, on a un outil qui permet de répondre au grand public avec un restaurant de burgers ouvert toute l’année avec vue sur la piste, le kids club pour les enfants. Et pour les plus grands, la possibilité de faire du karting, de la moto, de la tyrolienne, du jet surf sur le lac, du quad, de la randonnée, des visites guidées pour découvrir les coulisses du circuit…
L’une des explications de ce succès, c’est aussi cette diversification et l’accompagnement que le Circuit Paul Ricard propose à ses clients ?
Stéphane CLAIR : Oui, et notre travail au quotidien, c’est de faire cela pour chaque événement. Récemment, nous avons eu une manifestation moto qui existe depuis 14 ans et qui, cette année, a explosé en termes de public. C’est, je pense, parce que le circuit s’implique auprès de l’organisateur pour l’aider à développer son événement. En organisant un salon moto, dont les exposants ont été très satisfaits. En renforçant la partie sportive, avec des courses et des démonstrations qui ont plu. Et nous avons eu beaucoup de retours positifs des spectateurs grâce aux expositions, la présence de pilotes mythiques… Les ingrédients sont là pour que la manifestation grandisse encore. C’est tout le savoir-faire des équipes du circuit Paul Ricard.
“Notre stratégie de diversification fait que, même si on n’aime pas spécialement les sports mécaniques, on passera un bon moment au Circuit Paul Ricard.”
Stéphane Clair, DG du Circuit Paul Ricard
Nous avons parlé tout à l’heure de la « marque » Circuit Paul Ricard. Comment l’ancre-t-on dans une certaine modernité? Au point que ce soit devenu tendance de porter des objets ou tenues Circuit Paul Ricard.
Stéphane CLAIR : Nous nous sommes insérés dans la mode du néo-rétro et du vintage, car on a très vite senti ce potentiel autour de Paul Ricard. Du fait de notre histoire, mais aussi car la marque était très tendance dans les années 70/80. Quand ces années-là reviennent à la mode, ça aide. Mais on a voulu les moderniser, et utiliser les canaux offerts par les réseaux sociaux pour revendiquer cette modernité.
On a relancé des produits mythiques de l’époque, c’était une vraie volonté stratégique. A commencer par le bob ! On l’a légèrement modernisé, mais on a surtout modernisé la communication autour, via les réseaux. Très vite, des stars ont voulu le porter. Et ça y est, l’engouement était parti ! L’exemple qui a été le plus frappant, ça a été le bonnet Circuit Paul Ricard porté par Valtteri Bottas ! Il l’a adoré au point même, je crois, de l’avoir acheté lui-même. Il l’a porté, d’autres pilotes et personnalités ont voulu le porter, les spectateurs ont voulu des selfies à leurs côtés avec le bonnet… et nous voici 10 000 bonnets vendus plus tard !
C’est d’ailleurs amusant car Valterri a aussi porté le bob. Puis quand tous les pilotes se sont mis à le porter, sa compagne lui en a dessiné un pour qu’il ne porte plus le bob Circuit Paul Ricard ! Finalement, on a vraiment réussi à remettre le bonnet et le bob Circuit Paul Ricard sur le devant de la scène. On a même vu au Grand Prix d’Arabie Saoudite des jeunes gens faire signer aux pilotes le bob Circuit Paul Ricard. Et sur nos réseaux, nous sommes même taggés depuis le Canada par des gens qui nous envoient des selfies avec le bob ! On a d’ailleurs sorti un bob réversible au Grand Prix de France Historique, nous avons eu la surprise de voir qu’il était très prisé de la clientèle féminine.
Tous ces produits dérivés, c’est une diversification à part entière pour l’entreprise. Le bob, il nous est arrivé d’en vendre jusqu’à 30 000 par an. C’est un vrai métier et nous avons en interne une personne en charge de tous ces produits. Notre dernier succès en date, c’est un sac vintage, là aussi inspiré des années 1970.
Les réseaux sociaux sont donc devenus un vrai canal de communication pour la marque Circuit Paul Ricard ?
Stéphane CLAIR : Oui, le circuit Paul Ricard, c’est est une marque. Il faut donc la faire vivre et la gérer comme telle. Nous faisons donc des pures communications de notoriété, comme sur TikTok ! On essaie de placer le plus possible notre produit « Circuit Paul Ricard » en ligne, dans les jeux vidéo ou même les nouvelles plateformes de monde virtuel qui se créent. Et la monétiser bien sûr.
NDLR : Possible d’ailleurs que le circuit Paul Ricard arrive prochainement dans le Métaverse. 🤫😉
Une marque qui, d’ailleurs, met de plus en plus en avant son côté éco-responsable, ce qui peut surprendre ?
Stéphane CLAIR : Oui, nous sommes une marque orientée vers l’éco-responsabilité. Parmi les circuits, nous affichons le plus haut niveau de certification. D’ailleurs, je revendique moi-même d’être écologiste et passionné de sports mécaniques. Ainsi, en tant que Directeur du circuit, j’estime qu’il est de ma responsabilité de rendre compatibles écologie, économie et sports mécaniques.
Comment le faire ?
Stéphane CLAIR : En ayant du bon sens. Contrairement à beaucoup, ce sujet n’est pas nouveau pour nous. Cela fait douze ans qu’il est au cœur de nos préoccupations et que nous cherchons – et trouvons – des solutions pour réduire au maximum notre impact sur l’environnement. Cela va d’ailleurs au-delà. Un circuit, ce sont aussi des nuisances sonores par exemple. Et bien même si moi j’aime entendre le bruit des voitures qui tournent sur la piste, je comprends parfaitement que, derrière l’enceinte du circuit, cela gêne. Il est de notre responsabilité de réduire au maximum cette nuisance, de la compenser, d’en réduire les impacts et démontrer qu’il n’y en a pas beaucoup d’autres. Cela signifie qu’on a accepté de réduire le nombre de jours et d’horaires d’utilisation de la piste. Mais ça va plus loin, comme refuser de louer la piste à des clients qui font trop de bruit, ou refuser des événements en juin et juillet, des périodes où les gens veulent paisiblement profiter de la nature. Nous sommes un circuit citoyen. On a donc accepté de perdre de l’argent, ou de ne pas en gagner, pour exercer cette activité plus longtemps.
C’est le long terme que l’on vise, et cela signifie investir des centaines de milliers d’euros dans la plantation d’arbres. Investir dans le tri des déchets. Ou encore installer des cellules photovoltaïques. Avec un atout : on n’a pas à le faire maintenant et précipitamment, car ce sont des investissements que nous avons commencés il y a plus de dix ans. Bien sûr, parfois cela s’est ressenti dans les résultats de l’entreprise, mais les propriétaires ont bien compris les enjeux et ces investissements portent leurs fruits aujourd’hui. Oui, le circuit Paul Ricard a pris de l’avance sur ces enjeux et nous positionnons l’entreprise comme une entreprise éco-responsable. On communiquait jusque-là assez peu sur ce point, mais on s’est rendu compte que nous sommes devenus un modèle international en termes de respect environnemental, avec le plus haut niveau.
L’automobile est-elle encore aimé des pouvoirs publics en France ?
Stéphane CLAIR : Je pense que oui. D’ailleurs, notre modèle est parfaitement compris et c’est pour ça que l’État nous soutient dans le retour de la F1 au circuit. Dire la même chose des sports mécaniques, c’est différent. Il y a un train à emmener concernant l’évolution des sports mécaniques d’un point de vue éco-responsabilité. Et notre rôle est d’en être la locomotive.
Il faut déjà embarquer avec nous les organisateurs d’événements. On travaille à les faire rentrer dans ce principe d’éco-responsabilité sous la forme d’une charte, de challenges et parfois même d’obligations. Notre mission est de leur expliquer que pour que leur événement soit pérenne, il doit être éco-responsable.
En matière d’éco-responsabilité, je pense qu’il faut aller plus loin sur la dimension sportive. Les fédérations nationales et internationales doivent fournir encore plus d’efforts.
Stéphane CLAIR, DG du Circuit Paul Ricard
Concrètement, comment les choses peuvent-elles changer ?
Stéphane CLAIR : Elles ont déjà changé, sur la réduction des émissions sonores par exemple. Mais il faut aller plus loin. Je trouve aberrant qu’une écurie déplace encore autant de pneumatiques pour une course, qu’il faut ensuite recycler ou ramener à l’usine. On n’imagine pas le nombre de camions sur la route pour transporter ces éléments. Les efforts sur la pollution avancent bien côté carburant. Les véhicules sont de plus en plus hybrides, sans compter l’arrivée prochaine des carburants de synthèse. Les plus gros vecteurs de pollution aujourd’hui, ce sont pour moi la logistique et les spectateurs. On doit collectivement travailler sur ces points. Si les fédérations modifient les règlements, peut-être pourrions-nous utiliser moins de pneus lors d’une course ? On pourrait aussi réduire la durée des Grand-Prix : cela ne nuirait pas au spectacle, bien au contraire. Tout en permettant une réduction significative des émissions.
“Les plus gros vecteurs de pollution aujourd’hui, ce sont pour moi la logistique et les spectateurs. On doit collectivement travailler sur ces points.“
Stéphane CLAIR, DG du Circuit Paul Ricard
A mon avis, les sports mécaniques ne sont pas plus polluants que d’organiser un match de foot ou faire le Tour de France. Ça veut dire que tout le monde doit contribuer à l’amélioration, tout au long de la chaîne de valeurs. Donc les fédérations et le ministère des Sports ont un rôle à jour en manière d’écologie. Je ne crois pas en l’écologie punitive, mais pour éviter cela, il faut se questionner sur comment, chacun à son niveau, peut faire de la manière la plus raisonnée et moins impactante sur l’environnement possibles.
Pour réduire votre impact au circuit Paul Ricard, vous utilisez de nombreux véhicules électriques, y compris pour les Safety Cars. Un partenariat avec la marque Audi. Pouvez-vous nous en parler ?
Stéphane CLAIR : Cela fait quinze ans que nous sommes partenaires. Nous nous sommes rencontrés sur des valeurs communes et ce qui est intéressant c’est que nous avançons dans le même sens et au même rythme. Quand Audi a dit qu’ils allaient faire des véhicules électriques, nous les avons accueillis avec plaisir, contrairement à d’autres. Cela rejoint ce que je disais concernant le fait de réfléchir à réduire notre impact. Ce qui nous importe, c’est d’avoir des voitures efficaces, performantes et qui procurent des sensations. C’est tout ce que les véhicules électriques offrent alors nous sommes ravis d’en disposer ! D’ailleurs, je mets au défi quiconque de venir faire un tour en Audi e-tron GT et me dire qu’il n’a rien ressenti ! Un tour avec un launch control et deux accélérations suffiront à démontrer l’inverse !
Parmi ces valeurs partagées, il y a la passion ?
Stéphane CLAIR : La passion, c’est ce qui m’anime. Et on peut avoir la même passion des sports mécaniques avec les véhicules électriques. Bien sûr, j’aime rouler avec des véhicules équipés d’un V12 ou d’un V8 biturbo. Mais je préfère garder ce type de véhicules pour des occasions ponctuelles et utiliser un véhicule électrique au quotidien, cela fait plus de sens. C’est d’ailleurs très agréable. Je partage ce point de vue avec Marc Ouayoun, le Directeur Général d’Audi France. C’est aussi un vrai passionné, il n’y a qu’à voir son parcours ou le suivre sur ses réseaux sociaux pour s’en apercevoir. Et il est comme moi convaincu par les véhicules électriques. D’ailleurs, pour l’anecdote, nous avons vécu ensemble une sacrée expérience ! Nous avons programmé le GPS d’une Audi e-tron GT pour qu’elle fasse un tour de circuit, avec une vitesse de 130 km/h en ligne droite. Puis nous nous sommes installés à l’arrière du véhicule ! Le véhicule a réalisé un tour en toute autonomie !
C’est d’ailleurs bluffant de voir que ce qu’Audi imagine pour demain est déjà possible aujourd’hui. Ça veut dire aussi que les systèmes prédictifs et connectés sont au point et que c’est un vrai gage de sécurité routière à l’avenir. Quand on réfléchit, ce n’est pas sur une autoroute qu’on se fait plaisir au volant. Donc programmer la voiture et la laisser conduire, pour plus de confort et de sécurité, cela a du sens. Notre quotidien d’automobiliste est très différent de la passion, qu’on vient vivre sur un circuit.
Quels sont les contours de ce partenariat avec Audi ?
Stéphane CLAIR : C’est d’abord un échange de visibilité. Ils montrent leurs voitures, on fait de l’affichage publicitaire pour eux. Et puis il y a le côté expérientiel. Ils font vivre des expériences à leurs clients, ils forment leurs équipes aux véhicules. Enfin, ils utilisent le circuit comme une base de développement pour de futurs modèles.
Nous avons réussi à obtenir des autorités la possibilité d’utiliser le circuit la nuit pour faire du testing de véhicules 0 émission, que ce soient des véhicules électriques ou à hydrogène. Cela leur permet de faire des tests d’autonomie, de longue durée, de sécurité à bord ou de nouvelles technologies. C’est tout ça qui fait qu’avec Audi, on s’entend bien.
Pour terminer cet entretien passionnant, auriez-vous une anecdote marketing/communication à nous raconter ?
Stéphane CLAIR : Oui, une anecdote pour montrer qu’il faut sans cesse rester à la page et innover !
Nous avons une stagiaire au service communication qui a réalisé en quelques jours plusieurs millions de vues sur TikTok avec la vidéo de sa fin de stage au circuit ! Quand on a vu ça, on s’est dit « mais pourquoi une entreprise ne sait pas le faire ? ». La réponse est simple : parce qu’il faut avoir les codes. Ce n’est pas la peine de chercher à faire une vidéo très qualitative, de scénariser, si ce n’est pas ce que le public attend. Dans sa vidéo de fin de stage, elle a dissimulé plein de photos d’elle partout sur le circuit pour qu’on ne l’oublie pas. C’est drôle, original, authentique… et c’est ça qui a fonctionné !
Il faut donc accepter de ne pas faire quelque chose de parfait, ce qui est difficile pour une entreprise.. Il nous faut apprendre, dans chacun des vecteurs de communication les codes, le ton, et aussi accepter de faire appel à des talents qui ont de meilleures capacités que nous. On a vraiment été contents pour elle, car elle s’est ainsi fait connaître. Et cela nous a donné une bonne leçon !
Un grand merci à Stéphane CLAIR pour cet échange passionnant. Un grand merci également à Magali BERNARD pour l’organisation de cette rencontre et sa disponibilité pré et post interview.
Crédits photos : Morgan Mathurin.
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