Interview de Patrice Baheux, Directeur de L’Atelier Renault

L’Atelier Renault, c’est l’une des adresses les plus connues des Champs Elysées. Plus que centenaire, le lieu situé au numéro 53 a traversé les époques en faisant rêver français et touristes sur la plus belle avenue du monde. Rencontre avec son sympathique Directeur, Patrice Baheux, qui nous plonge dans les coulisses de cet endroit mythique.

Patrice BaheuxPatrice Baheux, Directeur de L’Atelier Renault

Automotive Marketing : Pouvez-vous, tout d’abord, nous présenter votre parcours en quelques mots ?

Patrice Baheux : Cela fait 20 ans que je suis chez Renault. J’ai commencé dans les Ressources Humaines puis je me suis orienté vers le marketing. J’ai commencé par les études marketing, ensuite j’ai développé la stratégie publicitaire pour le groupe. Après, je suis allé sur le terrain pour m’occuper des concessionnaires en tant que « team manager réseau ». Cela consiste à avoir la responsabilité des résultats commerciaux vente et après-vente d’une quinzaine de concessionnaires. J’ai également travaillé sur le CRM avec le développement de l’activité web, le marketing relationnel et la mise en place des méthodes de stratégie de contact 360. Après, je suis passé par la publicité, notamment en charge de la publicité monde pour le véhicule électrique…Tout ce qui vous plait et déplaît sur la publicité automobile du Véhicule Electrique, c’est notamment moi !

Je suis en charge de L’Atelier Renault depuis 3 mois maintenant. C’est pour moi une continuité dans mon parcours marketing. Renault développe les opportunités de parcours qui alterne postes fonctionnels et opérationnels : ici, c’est un beau mélange des deux. Dimension stratégique car il faut incarner pleinement la marque mais aussi faire fonctionner L’Atelier Renault qui est ouvert 365 jours par an…

AM : De toutes ces expériences, laquelle vous a marqué ?

PB : La dernière ! Ce métier est étonnant. Nous mettons en place 3 expositions par an qui doivent être la substantifique moelle de ce que la marque Renault veut communiquer à l’ensemble du public. Nous devons être en interface étroite avec le marketing d’un point de vue stratégique et en même temps, la vie de L’Atelier Renault, c’est aussi 140 personnes, un restaurant, une boutique, c’est l’un des jobs les intéressants au sens des plus diversifiés, celui qui nécessite le plus d’engagement au quotidien.

expo Captur

AM : Vous parliez justement des expositions. Comment se passe la mise en place d’une exposition ?

PB : Concrètement, nous travaillons de manière régulière avec nos collègues du produit et du marketing communication sous forme de groupes appelés « stratégie de contact ». Ce sont des groupes au sein desquels l’ensemble des métiers de la communication et du marketing au sens large raisonnent sur les actions futures de communication pour élaborer un dispositif global 360°. Nous nous nourrissons de cela, ensuite on crée un brief pour l’agence avec laquelle on travaille, en l’occurrence Villa dalesia and Co. L’agence nous fait ensuite des propositions que nous allons affiner, retravailler pour aboutir à une exposition.

MONTAGE DE L'EXPOSITION "1910 - 2010 LES CHAMPS-ELYSEES DE RENAULT"

AM : Donc une exposition comme Color Manifesto, ça se réfléchit combien de temps à l’avance ?

color manifesto

PB : Une exposition comme Color Manifesto se réfléchit 4 à 5 mois minimum avant la mise en place. Une petite partie du temps, en amont, est consacrée à la définition de la stratégie. Une grosse partie sur l’élaboration : nous sommes vraiment sur des métiers d’artisan et, dans bien des cas, il n’y a pas de précédent. La communication est un art de l’exécution : quelle que soit la force et la pertinence d’une idée, ce sont ses modalités de mise en œuvre qui déterminent son efficacité. Exemple de la canopée lumineuse visible durant l’exposition, c’est une première. Elle a fait l’objet d’un premier montage à l’échelle 1 à Berlin, chez le studio WHITEvoid notre partenaire sur le projet et qui réalise cette canopée longue de 35 mètres.

canopée

Il y a toute une partie artisanale qui prend énormément de temps car il y a des solutions techniques à inventer pour que ce soit parfait en qualité, parfait en image sans être trop coûteux. Ensuite, il y a le démontage de l’exposition précédente et dans la foulée le montage de la nouvelle exposition. Un aspect étonnant est à quel point nous sommes au cœur de l’événementiel, nous avons l’impression d’être sur une scène de théâtre où les décors doivent être montés et démontés dans un laps de temps extrêmement court. Pour vous donner un ordre d’idée, l’exposition Color Manifesto a nécessité cinq jours de montage jour et nuit en équipes trois huit. C’est la première fois que nous faisions un montage ainsi, sans quoi nous ne tenions pas le délai de cinq jours. Nous travaillons une bonne partie de la nuit pour maintenir L’Atelier Renault ouvert la journée mais nous sommes obligés de fermer une à deux journées. En général, nous arrivons à maintenir l’activité du restaurant et de la boutique.

AM : Vous venez de lancer la nouvelle exposition “So French by 5.5”. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur celle-ci?

Logo So French

PB : Il y a encore beaucoup de couleurs, de l’humour, pas mal d’audace dans l’expression de Renault, c’est assez vibrant ! Un véritable discours de marque sur nos valeurs, le fait que Renault est une grande marque internationale née en France avec des gênes et une culture français, une marque proche des gens, attentive à la manière dont les gens vivent l’automobile, nous avons travaillé avec le studio 5.5 Design. Les véhicules de notre gamme sont entourés d’objets iconiques de la France, objets revisités et détournés par les « 5.5 ». Tous ces objets, contribuent à définir l’identité de la France et représentent sa culture à travers le monde. En plus de pouvoir acquérir sa nouvelle voiture à L’Atelier Renault, les visiteurs pourront repartir avec un peu de créativité française et beaucoup d’humour puisqu’un certain nombre de ces objets seront disponibles à la vente, en exclusivité et en série limitée, à la boutique de L’Atelier Renault. Tout cela est à découvrir depuis le 1er février!

AM : Aujourd’hui, L’Atelier Renault existe depuis combien de temps sur les Champs Elysées ?

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PB : 111 ans ! C’est une belle histoire. Ce lieu est né en 1903 et, à chaque fois, Renault a incarné son époque. On peut voir dans les différentes périodes de l’histoire à quel point on était foncièrement années 60’ dans les années 60, caricaturalement 70’ dans les années 1970… L’Atelier Renault, un peu à l’instar du drugstore Publicis, a régulièrement été l’expression d’une époque, de sa mode, de ses valeurs. Nous essayons aujourd’hui d’incarner pleinement le 21ème siècle !

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AM : D’où les travaux d’il y a 2 ans ?

PB : Oui, il faut rester à la page, afin de coller à l’environnement et aux attentes des gens. Aujourd’hui, L’Atelier Renault est véritablement perçu comme un lieu très contemporain, ancré dans son époque et c’est ce que veut être notre marque. Nous sommes dans la contemporanéité, « bien dans son époque » pour reprendre l’un de nos slogans sur Twingo.

AM : Il y a d’autres « L’Atelier Renault » à travers le monde ou ce lieu est-il unique ?

PB : Le lieu est unique. Cela peut faire sens d’envisager de s’installer dans d’autres endroits. Mais cela n’est pour le moment pas d’actualité. En revanche, d’un point de vue stratégique, on peut y réfléchir car cela fait réellement partie des outils de marque qui nous permettent de revendiquer haut et fort nos valeurs et de les communiquer.

AM : L’Atelier Renault est-il un lieu de vente ?

PB : Ça l’a toujours été, ce lieu est même né comme cela, à l’époque où la publicité et le marketing étaient encore balbutiants.  Avec un succès commercial plus ou moins important selon l’organisation en place. Aujourd’hui, nous vendons des véhicules neufs, des produits dérivés à la boutique et nous continuons à développer ces deux activités.

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AM : En termes de chiffres, cela représente combien de ventes ?

PB : Un certain nombre ! Que vous dire…. Renault vend quelques milliers de voitures à Paris intramuros et nous contribuons à ce résultat. Trois conseillers commerciaux sont présents, 7 jour sur 7 et jusque 21h00 pour garantir un accueil …élyséen !  C’est une vente bien particulière ici. Les gens s’attendent ou souhaitent rencontrer le Renault Champs Elysées, la qualité de services et d’accueil doit être à la hauteur. Quelque chose de très qualitatif et serein, on prend encore plus de temps.  Il y a cent millions de personnes qui se promènent sur les Champs Elysées tous les ans. Entre 40 et 50% sont des touristes étrangers. Le reste est donc constitué de français et la prospection se fait naturellement par la fréquentation.

AM : Justement, quelle fréquentation pour L’Atelier Renault ?

PB : 2,5 millions de personnes nous visitent tous les ans. Un chiffre dont nous sommes fiers car il nous est envié. Ils restent en moyenne 16 minutes, hors restaurant. C’est une valeur relativement élevée et ce fameux « bain de marque », l’opportunité de baigner dans les valeurs d’une marque et de se les approprier, dure assez longtemps pour que nous puissions faire vivre aux gens une expérience unique et plaisante. Les retours des visiteurs sont très positifs.

AM : Pourquoi un restaurant ?

PB : Nous sommes deux constructeurs automobiles à avoir un lieu de restauration sur les Champs Elysées. La raison d’être du restaurant est plutôt simple : nous sommes convaincus qu’un lieu de marque doit être un lieu de vie, ça ne peut pas être juste une dimension muséale. Concrètement, à L’Atelier Renault Café, on peut déjeuner, dîner, goûter, prendre un brunch le dimanche, boire un verre sur la terrasse, manger une glace, jouer avec ses enfants à monter des petites voitures… et bénéficier de l’exposition comme on visite une exposition artistico-industrielle. Cela fait plein de raisons de venir chez nous et de vivre la marque Renault.

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AM : Vous avez des habitués ?

PB : Nous avons quelques habitués, environ 5%. Des gens qui prennent plaisir à revenir et à suivre les expositions et actualités de L’Atelier Renault et de la marque.

AM : Vous êtes sur la plus belle avenue du monde, tout comme nombre de vos concurrents. Y êtes-vous attentifs ?

PB : Nous nous comparons, nous nous rencontrons même, nous nous intéressons bien entendu les uns aux autres. Mais chacun a sa stratégie commerciale, sa stratégie de marque. Il est logique que chacun d’entre nous n’ait pas les mêmes ambitions en terme d’image, d’expériences client. Chacun veut faire vivre aux gens qui les visitent une expérience en fonction de la nature de sa marque, de ses valeurs, de son positionnement. Tout l’enjeu est là, quand un visiteur sort de Renault ou d’une autre marque, il faut bien qu’il distingue qu’il s’agit de marques différentes, aux positionnements fondamentalement différents. Il faut « marquer » les esprits dans tous les sens du terme donc.

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AM : Comment communiquez-vous sur L’Atelier Renault?

PB : En étant présent sur le web, les réseaux sociaux et en publiant des communiqués de presse principalement. Nous nous appuyons aussi beaucoup sur l’univers Renault. Lorsque nous relayons les actualités Renault, nous faisons un bond dans nos fans ou dans nos consultations.  Nous avons vraiment pour objectif de faire parler de L’Atelier Renault. Ça a été un vrai challenge d’installer le nom  « L’Atelier Renault » car le Pub Renault a beaucoup marqué les esprits de la génération précédente. Nous y sommes,  les gens parlent désormais naturellement de L’Atelier Renault, la notoriété commence à être assise.

NDLR : Vous pouvez retrouver L’Atelier Renault sur Facebook et Twitter.

AM : Vous parliez tout à l’heure de trois expositions par an ? Au-delà de ça, essayez-vous d’événementialiser L’Atelier Renault?

PB : Il y a les retransmissions des grands-prix de F1 le dimanche qui sont un vrai succès ! Sur la partie événementielle,c’était par exemple, en 2012, la soirée Guetta suite au partenariat entre le DJ et Twizy. Nous avons eu plus récemment en 2013 une opération F1 pour célébrer nos titres de champions du monde. On a une actualité événementielle importante car le lieu est un véritable écrin pour ce type d’opérations.

guetta

AM : Vous qui venez d’arriver récemment, comment envisagez-vous d’apporter votre touche à tout cela ?

PB : Je pense qu’on aura tous réussi notre travail ici si nous arrivons à faire en sorte que nos visiteurs aient une vision claire et précise de la marque Renault et que cela leur « donne envie ». C’est globalement le but de toutes les activités de L’Atelier Renault. Pour avoir une vision collective de l’expérience client,  il faut qu’on ait un dispositif complet. C’est le but de l’exposition mais c’est globalement  celui de toutes les activités. On doit partir du restaurant en se disant qu’on a vécu un bon moment dans un décor particulier, avec une nourriture particulière, on doit vouloir revenir avec ses enfants en se disant qu’on a passé un bon moment en famille au travers d’un atelier animé pour les enfants. Il faut qu’on ait un ensemble de dispositifs qui fassent plaisir aux gens et qui leur fassent vivre notre marque telle que nous le souhaitons qu’ils la vivent ; Renault ce sont des innovations pour une vie meilleure, et cela chacun doit le ressentir à L’Atelier Renault.

AM : Vous faites des adaptations/modifications pendant l’exposition ?

PB : Sans arrêt ! En moyenne,  6000 personnes nous visitent chaque jour et en décembre particulièrement, ce sont près de 21 000 visiteurs par jour. Evidemment, les choses se salissent, s’usent, d’où la nécessité d’énormément d’entretien. Beaucoup de temps et beaucoup de gens sont mobilisés pour que, tous les matins lorsqu’on ouvre à 10h30, le lieu ait l’air d’être neuf alors qu’il a « subi » la fréquentation de milliers de personnes. Lorsqu’on expose des concept-cars, il faut les protéger encore plus, d’où les podiums par exemple.

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AM : Une anecdote sur L’Atelier Renault ?

PB : Il y a des anecdotes « opérationnelles » comme une fuite d’eau au restaurant à gérer rapidement alors même que je suis en réunion au Plessis Robinson donc à 20 km de là… Doit-on fermer L’Atelier Renault dans un tel cas ? Cela a fait partie des aléas qu’il faut gérer… Autre anecdote plus dramatique, lorsque le tueur fou était sur les Champs Elysées, il fallait être en lien permanent avec la Préfecture de Police de Paris afin de gérer l’incident et savoir comment se comporter, ma priorité étant d’assurer la sécurité des visiteurs et des employés de L’Atelier Renault. Franchement, dans mes précédents jobs chez Renault, je n’avais pas été confronté à de telles situations! Dans un registre plus léger, je ne pensais pas côtoyer un jour Laetitia Casta à moins d’un mètre ce qui a été le cas pour les illuminations de Noël des Champs Elysées dont Laetitia Casta était la marraine.

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Un grand merci à Patrice Baheux pour sa disponibilité et son accueil ainsi qu’à l’équipe de L’Atelier Renault et notamment Andrea Arima et Céline Farissier qui ont rendu possible cet entretien.

Crédits photos : Renault, Olivier Martin-Gambier.

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