L’enfant, cible marketing

De plus en plus de publicités mettent en scène des enfants. Et parmi les annonceurs qui en sont à l’origine, les constructeurs automobiles figurent en bonne place. Pourquoi? Décryptage.

En effet, depuis la publicité pour la Peugeot 806, la fameuse “voiture que les enfants conseillent à leurs parents”, les marketeurs n’ont eu de cesse de s’intéresser à nos chères petites têtes blondes. La raison à cela est simple. Dans les années 1970 est apparu le fameux concept de « l’enfant roi ». notion qui n’a fait que prendre de l’ampleur depuis (certains parlent même de « l’enfant-tyran » depuis la fin des années 1990).
Forcément, les marketeurs ont le souhait de surfer sur cette tendance. Car en marketing, on définit la cible « enfant » selon trois catégories. L’enfant consommateur, l’enfant prescripteur et l’enfant futur consommateur.

L’enfant, prescripteur de l’achat automobile?

L’automobile représente le 2ème plus gros investissement d’un foyer, après l’immobilier. Et selon plusieurs sources, les enfants ont une influence  grandissante sur cet investissement.

Selon une étude du CRIOC de 2008, 65% des enfants ont conscience de leur influence sur les achats du foyer, alors que seuls 28% des parents admettent consulter leurs enfants. Pourtant, on le constate dans de nombreux domaines (alimentation, produits technologiques,…), les enfants sont responsables de l’insertion de nouvelles marques, de nouveaux équipements ou encore de nouveaux modes de consommation au sein du foyer. La tentation est donc forte d’appliquer ces tendances à l’automobile. Une étude de SYNOVATE France a démontré que l’influence de l’enfant en matière d’automobile est important, ce que confirme un sondage Opinion Way commandé par l’Automobile Magazine en juillet 2008 : 39% des enfants ont participé au choix de la voiture lors de son achat.
Les enfants sont consultés sur le modèle, la taille, et surtout la couleur. Bien entendu, cette influence s’arrête dès lors qu’on aborde la question du coût. Toutefois, l’importance des enfants n’est pas à négliger.
L’automobile représente d’abord pour eux un espace de loisirs. Ils ont besoin de s’y sentir bien et de trouver la voiture ludique. C’est cela qui a engendré les tablettes aviations, ou encore les écrans vidéos incrustés dans les appuie-têtes. La voiture représente également un lieu de liberté, où la visibilité a une importance capitale. Les enfants préfèrent les véhicules dotés de larges surfaces vitrées. Les toits panoramiques s’adressent d’ailleurs plus souvent aux passagers des places arrières. Enfin, l’automobile doit être pour eux synonyme de confort.

Dès lors, on peut parler d’enfant consommateur. Bien entendu, l’enfant n’est pas consommateur au sens propre, puisqu’il n’est pas acheteur de l’automobile. Mais il a une influence sur l’acte d’achat, et c’est en partie pour ça que tous ces « gadgets » ont été développés. Toujours dans l’étude de l’Automobile Magazine, qui a interrogé parents en enfants, les enfants ont mis une note sur dix aux éléments pour lesquels ils attachent de l’importance dans un véhicule. Avec 8/10, le confort est au premier rang de leur priorité, suivie de près par la présence de rangements et de tablettes avec une note de 7,7/10 (quand les parents n’attribuent qu’une note inférieure à 7). Enfin, la présence d’accessoires audio et vidéo est très appréciée avec un 7,8/10 (5,5/10 pour les parents). Dès lors, on comprend que ces gadgets sont majoritairement plébiscités par les enfants, et que les parents les choisiront pour leur faire plaisir. L’enfant devient alors consommateur secondaire du véhicule, puisqu’un certain nombre de caractéristiques du nouveau véhicule sont choisies pour lui plaire. C’est cela qui a engendré la catégorie des monospaces compacts. D’ailleurs, Renault ne s’en cache pas : le véhicule Scénic, avant son lancement en 1996, a fait l’objet de nombreux tests auprès des enfants. C’était un phénomène nouveau à l’époque que de sonder directement des enfants.

En ayant connaissance de ces notions, on comprend mieux comment les publicités et la communication automobiles se destinent de plus en plus aux enfants. Car pour de nombreux parents, le bien-être de leurs chérubins passent avant tout.

Ainsi, les constructeurs ont décidé de mettre les enfants en scène dans leurs publicités. Cela permet ainsi d’atteindre les deux publics, enfants et parents. Ces derniers qu’on déculpabilisera en leur montrant qu’ils peuvent choisir une voiture qui leur plait tout en offrant à leurs enfants le bien-être et la sécurité qu’ils méritent. C’est notamment l’axe choisi par Peugeot dans sa campagne pour son nouveau monospace 5008. Le slogan, « la meilleure place est aussi celle du conducteur », insiste sur le plaisir de conduite qu’on ressent avec ce véhicule au profil familial. Toutefois, dans la publicité, on montre une petite fille qui s’est endormie dans le monospace parce qu’elle s’y sent bien. On rajoute une couche de ludisme avec le cadre (fête foraine), et le tour est joué. La publicité a bien une « influence partagée » : des arguments pour les parents, et d’autres pour les enfants.

Renault s’est également très vite intéressée à l’importance des enfants dans le choix d’une automobile, en lançant dès 2000, son « Renault Kids », un guide à destination des enfants. Par ailleurs, Scénic, dans sa dernière campagne, mettait en scène les célèbres « lapins crétins ». Buzz sur internet et intérêt certain des enfants pour cette publicité. L’image de Scénic ne peut qu’en profiter.

D’ailleurs, les constructeurs vont plus loin dans la mise en scène des enfants, allant même à les mettre au cœur de leur communication : On a vu récemment les exemples de Renault, qui, avec sa campagne, le « baby boom » (plus d’infos sur cette campagne dans la Rétrospective 2009), compare sa gamme à des bébés et enfants en bas âge, tous soigneusement sélectionnés.

Ils n’hésitent plus non plus à les tourner en dérision en évoquant la difficulté d’être parents, comme le suggère Volkswagen dans sa récente publicité pour le Touran qui a pour slogan : « être père se paye déjà assez cher ! ».

L’enfant, futur client?

L’enfant n’est pas seulement prescripteur de l’achat automobile. Si les marques s’adressent à eux, c’est aussi pour leur rôle de futur consommateur. On peut trouver cela surprenant, mais de nombreuses études ont montré qu’une fois adulte, les jeunes achètent à 80% des produits qu’ils avaient l’habitude de consommer au sein du foyer familial. Le but d’une communication également ciblée en direction des enfants est de provoquer chez ces derniers une sympathie pour la marque, afin de faire entrer celle-ci dans son univers de référence. C’est ainsi que l’affirme Naomi Klein dans son livre « No logo – la tyrannie des marques » en 2001 : « les grandes multinationales tentent de développer chez les jeunes enfants une reconnaissance de la marque. Ils veulent établir avec eux une relation durable ».

Chaque constructeur dispose ainsi dans sa gamme d’accessoires, de répliques miniatures de ses modèles, que ca soit des maquettes, ou de véritables petites autos à pédales. De même, il n’est pas anodin de voir les constructeurs automobiles s’investir de plus en plus dans les jeux vidéos mettant en scène leur véhicule. Citroën a même créé un prototype de supercar pour le jeu Gran Turismo. Car l’objectif de tout ça est bien sûr de séduire les publics enfants et adolescents pour créer ce phénomène de sympathie.

Et s’il est bien un constructeur qui a compris l’utilité de communiquer en s’adressant aux parents et aux enfants, c’est bien Mercedes. La marque à l’étoile a ciblé plusieurs fois les enfants dans ses publicités. La première fois, en 2001, ou un écolier admire un coupé sport par la fenêtre et répond que plus tard, il souhaite « grandir ». Et plus récemment, avec un spot pour le CLK, où l’enfant enterre son modèle réduit dans le jardin. Encore dernièrement, en 2010. Le nouveau CLS, coupé 4 portes du constructeur allemand, met une nouvelle fois des enfants en scène… et le résultat est, comme toujours, réussi :

Les marketeurs de l’automobile rêvent en effet aujourd’hui de reproduire les schémas qui ont réussi dans des domaines de grande consommation. En 1996, la Direction de Coca-Cola affirmait « séduire les jeunes, c’est assurer l’avenir de la marque ». Quand on sait que la première voiture d’un jeune est plus d’une fois sur deux de la même marque que celle de ses parents, c’est bien parti ! (source : CCFA).


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