Interview Claude Hugot

AUTOMOTIVE MARKETING a eu la chance de rencontrer un homme passionnant et passionné, Claude HUGOT, Directeur de la Communication d’INFINITI en France et en Belgique.

Entretien.

Claude Hugot, Directeur de la Communication d’INFINITI
En arrière-plan : INFINITI FX

Automotive Marketing : Quel a été votre parcours et comment avez-vous choisi de travailler dans la communication automobile ?

Claude Hugot : J’ai suivi des études d’Histoire-Géographie car je voulais faire de l’océanologie. La biologie, l’écologie sont des domaines qui m’ont toujours attiré. Mais je me suis rendu compte qu’il serait difficile d’intégrer des organismes publics tels que l’IFREMER qui recherchaient plutôt des ingénieurs. Mon cursus m’a toutefois permis de faire un stage au service presse du Festival de Jazz de Nancy puis ensuite au Festival de Théâtre. Je me suis alors mis à côtoyer des artistes, des personnes connues et des journalistes, et cela m’a intéressé. Aussi, j’ai poursuivi par 3 années d’études à l’ EFAP (l’Ecole des Métiers de la Communication) et j’ai enchainé différents stages (Valeurs Actuelles, ouverture du Centre Pompidou, Institut Géographique National). Je suis sorti de l’EFAP et ai intégré en 1979 le monde de l’édition.

Le hasard a fait que je me suis occupé d’un livre consacré à Pierrot le Fou & au Gang des Tractions Avant. J’ai eu l’idée d’envoyer un exemplaire du livre au Directeur de la Communication de Citroën. Ce dernier m’a rappelé six mois plus tard car il cherchait un Attaché de presse. On a parlé de tout sauf d’automobile et j’ai été engagé…!

AM : Vous avez donc fait vos premières armes dans l’automobile chez un constructeur français ?

CH : Oui. J’ai débuté chez Citroën en m’occupant des lancements de la Visa et de la BX. Deux ans après, j’ai été contacté par SONAUTO qui distribuait Porsche, Mitsubishi et Yamaha et qui s’apprêtait à lancer une nouvelle marque en France, SEAT. J’ai rejoint le groupe en 1983 en m’occupant du lancement de SEAT qui est devenue en cinq ans la 5ème marque importée sur le marché français!

Quand SEAT a été racheté par VW, je suis resté chez SONAUTO pour lancer Chrysler, nouvelle marque du groupe. Au bout de 2 ans, j’ai été nommé Directeur de la Communication Corporate de Sonauto ( Porsche-Mitsubishi-Yamaha-Chrysler). Un poste valorisant et complet puisque nous étions engagés dans différents événements sportifs avec le Dakar (Yamaha) ou encore aux 24h du Mans (Porsche) et je gérais la communication de Chrysler, marque emblématique avec la superbe Viper V10. Mais pas toujours évident de travailler sur quatre marques si différentes en même temps.

Claude Hugot en compagnie de Soichiro Honda en 1991.

Alors quand j’ai été contacté par Honda en 1991, j’ai décidé de changer de cap en me recentrant sur une marque alors championne du monde en Formule 1. J’ai travaillé sur le développement de l’image de Honda Europe qui était en train de se mettre en place et sur des lancements comme la NSX, l’Accord, la Prélude. Mais également dans le Motorsport, avec Senna et Prost ,qui étaient engagés en F1 avec Mac Laren, un environnement encore plus concurrentiel que ceux fréquentés auparavant. Une belle expérience qui a duré huit ans et durant laquelle j’ai par exemple lancé la Civic-Souléïado, ma première expérience de co-branding et qui, à l’échelle de Honda, a été un très beau succès.

Honda Civic Souleïado

AM : Malgré ce succès, vous avez fait le choix de passer de Honda à Suzuki, qui n’était alors qu’un tout petit constructeur sur le marché français. Pourquoi ce choix ?

CH : En effet. Suzuki France cherchait un Directeur Marketing-Publicité et cela représentait un tout nouveau challenge pour moi puisque ce poste de communicant s’adressait directement aux concessionnaires et aux clients de la marque. Un poste très différent donc des relations presse où l’on travaille majoritairement avec les journalistes. Ce fut une autre étape fort intéressante de ma carrière car j’ai dû proposer des idées nouvelles notamment avec le Wagon R et le Jimny, des modèles alors inédits dans la gamme de l’époque, très orientée 4×4.

Forcément influencé par mon expérience en communication, j’ai proposé à nos agences de Pub et Médias de travailler en collaboration avec la presse féminine sur ces deux modèles .J’ai alors contacté directement le Top-modèle Carla Bruni pour un évènement P.R. au Mondial de l’Auto , puis pour des campagnes de publicité Print et TV.

AM : Pouvez-vous nous en dire plus sur cette campagne justement ?

CH : En découvrant l’ampleur médiatique prise par le face à face Claudia-Schiffer-Citroën et Carla Bruni-Suzuki, j’ai bien compris l’importance d’associer l’image d’une célébrité à une marque. Un accélérateur de notoriété instantané pour Suzuki, pourtant un poids plume face à son concurrent français ! La campagne a résonné jusqu’en Italie et Carla Bruni, sur le Mondial de l’automobile 1998 a fait un succès incroyable sur le stand Suzuki. Une belle expérience qui m’a permis de travailler encore plus en synergie avec la presse mode (Elle, Vogue, Marie-Claire , L’officiel, Madame-Figaro…).

Print Suzuki Wagon R+ & Carla Bruni

C’est cette expérience qui m’a démontré le bien-fondé de challenger les agences. Pour cette campagne, elles voulaient cibler les femmes de 20 à 30 ans. J’ai préféré viser la tranche d’âge supérieure en destinant le Wagon R à des femmes argentées qui seraient attirées par un modèle qui pouvait leur rappeler leur Mini de leurs 20 ans. J’ai donc imposé mes choix de titres.

Photomontage : Claude Hugot en compagnie de Carla Bruni.

AM : Jusqu’à communiquer dans Vogue ?

CH : Entre autre. Car si Vogue est cher, il est incontournable parce que lu par tous les spécialistes du monde de la mode. Le fait d’être présent dans Vogue amène attention & considération, une image trendy, et permet d’asseoir la marque. J’avais pour cela consulté Jean-Jacques Picart, le DG de Christian Lacroix et c’est lui-même qui m’avait conseillé d’être présent dans les titres les plus pointus, considérés comme des titres leaders d’opinion. C’était la manière de faire le buzz de l’époque. Les résultats ont été à la hauteur : les ventes de Suzuki ont doublé en deux ans.

AM : Et malgré ce succès, vous avez accepté de reprendre un poste de Directeur de la Communication chez Nissan…

CH : J’ai rejoint l’entreprise en 2001.Cela faisait trois ans que j’étais chez Suzuki et le PDG de Nissan est venu me chercher. Un nouveau challenge encore car à l’époque, Nissan c’était, en caricaturant, la Micra et le Patrol. Mais avec la création de l’ Alliance Renault-Nissan en 1999, j’ai deviné le début d’une très belle aventure. Et donc j’ai sauté le pas.


De gauche à droite : Yves Rénier, René Metge, Laeticia et Johnny Hallyday,
Akira Ogushi, André Dessoude fêtent la participation de Nissan au Paris-Dakar.
Restaurant “Le Balzac”. 2002.

Une expérience très riche avec de nombreux lancements (X-Trail, Murano, Z, Pathfinder) dont celui du Qashqai !

Jean-Louis Croquet, Francis Ford Coppola et Claude Hugot.
Nissan partenaire des Vendanges des vignes de Marie-Antoinette en 2006.

C’était beaucoup d’évènements et de relations publiques et j’ai pu monter ma 2ème opération de co-branding avec la Micra et la styliste Lolita Lempicka. C’est un vrai succès qui a représenté à un moment plus de 10% des ventes de Micra, ce qui est un très beau résultat alors que les versions haut de gamme des citadines ne sont choisies habituellement que par 2 ou 3 % des clients. Toutes les voitures se ressemblent dans cette gamme de prix et il faut alors se démarquer. Par des actions de communication comme nous en avons fait ou encore par ce genre de co-branding valorisant. Sans avoir les moyens publi-promotionnels des grands constructeurs.

Lolita Lempicka et la NISSAN Micra éponyme.

AM : Venons-en maintenant à votre poste actuel. Directeur de la Communication d’INFINITI. Cela aussi doit constituer un beau challenge, car la marque est nouvelle en Europe.

CH : Il y a deux ans, j’ai accepté de rejoindre INFINITI, une marque créée de toute pièce par NISSAN il y a vingt ans pour le marché nord- américain ,et qui a fait son apparition en Europe en 2008 avec un Business plan ambitieux et cinq ans pour atteindre la rentabilité. Nous avons d’emblée décidé de faire une croix sur la publicité traditionnelle et assumons pleinement ce parti-pris.

Nous investissons par contre beaucoup sur les nouveaux médias et tout ce qui est vecteur d’image. Notre site web www.infiniti.fr en est l’exemple même et constitue une véritable vitrine pour la marque. D’ailleurs, 90% des clients viennent par Internet.

Nous avons également un magazine très qualitatif, Adeyaka (visuel ci-dessous). Il est destiné aux clients, prospects et partenaires et est tiré à plus de 100 000 exemplaires ,en 6 langues. C’est en quelque sorte le magazine de l’Art de vivre à la manière d’INFINITI.

AM : Et qu’est-ce que l’automobile vue par INFINITI ?

CH : INFINITI est une marque qui revendique son ADN japonais. C’est une marque raffinée et c’est ce que l’on perçoit immédiatement en montant à bord d’un de nos véhicules. Nous faisons confiance au savoir-faire des artisans japonais et on retrouve tout cela dans nos voitures. Par exemple avec la laque piano ou des panneaux en frêne dans la berline M .. Ou encore du véritable érable massif dans le dernier FX. A ce raffinement subtil, nous associons le meilleur de la technologie et de l’ingénierie nipponne.

AM : Quels sont les concurrents d’INFINITI sur le marché européen ?

CH : L’ensemble des constructeurs premium que sont Audi, Mercedes ou encore Lexus. Même si frontalement, nous sommes positionnés face à BMW sur le créneau du premium sportif. Nous sommes une véritable marque de sport. Pour preuve le moteur qui équipe nos véhicules et qui fait pas moins de 320ch. Enfin, si nos prix sont équivalents à nos concurrents en valeur faciale, nous sommes en moyenne 30% moins chers qu’eux car les équipements sont inclus dans le prix et nous n’avons pas de politique de liste d’options à rallonge. Note gamme se compose de la G, disponible en berline, coupé et cabriolet, des Crossovers EX et FX et de la nouvelle berline M. Une voiture créée dès le départ pour l’Europe. Par rapport aux anciens modèles qui étaient uniquement destinés au marché américain, les nouvelles INFINITI sont adaptées aux exigences de la clientèle européenne. Lorsqu’on monte dans une M, on se rend compte qu’INFINITI impose un nouveau standard dans le domaine du luxe sur le Vieux Continent.

Gamme INFINITI.

AM : L’image de marque semble toutefois encore un peu floue. Qu’elle est l’image d’INFINITI ?

CH : Lorsque je vois la M, j’ai l’impression de voir une « Jaguar » moderne. Look et agrément d’une très belle voiture comme le faisait Jaguar il y a vingt ans, avec la technologie et la fiabilité propre aux marques du groupe NISSAN.

La nouvelle berline INFINITI M.

Nos voitures ont un design fort, très raffiné. Elles affichent de réelles courbes, sont très élégantes, se remarquent dans la rue et expriment notre signature « Inspired Performance ». C’est aussi ce qui séduit notre clientèle qui vient principalement de BMW, Mercedes, Audi mais aussi Porsche ou encore Volvo et Saab.

AM : INFINITI a signé de nombreux partenariats prestigieux. Est-ce aussi un moyen d’asseoir cette image ?

CH : Pour une marque comme INFINITI, s’associer à des partenaires Premium est en effet important. Nous avons des partenaires internationaux prestigieux comme le Cirque du Soleil. Les cent exemplaires de la montre INFINITI /Bell & Ross se sont très vite vendus et nous avons sortis il y a peu des skis en collaboration avec Volant. Pour l’Europe, nous venons de signer avec Relais et Châteaux et sommes également partenaires d’Air France pour la Première. Chaque client « First » d’Air France est amené en Infiniti au pied de l’avion. On peut également citer la bagagerie Vuitton sur mesure faite pour le Concept-car Essence. Qui devrait préfigurer un co-Branding sur le futur Coupé Infiniti…

Montre Bell & Ross / INFINITI

AM : Sont-ils difficiles à convaincre.

CH : Pas du tout, car ce sont des partenariats d’image et nous nous associons à des entreprises qui ont la même problématique que nous. Et surtout il sentent une motivation et une proximité en synergies dans nos relations.

INFINITI partenaire de l’exposition BULGARI au Grand Palais. Lire le billet consacré à l’événement ici.

AM : Quelles sont les ambitions de la marque en Europe ?

CH : Notre objectif est d’atteindre 20 000 unités en 2015. La première année nous avons vendu 7000 voitures et sommes bien partis pour doubler ce chiffre en 2010. Nous sommes donc dans nos plans, avec 40 centres INFINITI dans toute l’Europe.

AM : INFINITI affiche également un positionnement distinctif par rapport à la concurrence via son réseau…

CH : En effet. Notre réseau est constitué à travers l’Europe de distributeurs privés qui investissent pour le développement de la marque. En France, c’est par exemple le groupe NEUBAUER sur Paris & Lyon, le Groupe Europa sur Cannes..

Il nous manque encore Nantes, Strasbourg et Toulouse pour couvrir l’ensemble du territoire français tel que nous le souhaitons. Six centres seront suffisants en France, même s’il n’est pas exclu d’ouvrir des Showrooms dans quelques autres villes rattachés à un Centre INFINITI.

Inauguration du Centre INFINITI de Cannes en juin 2010.
De gauche à droite  : Slava Kozlov(Infiniti),
Richard Baazi (Infiniti Sales France),  Melody Wibert (Miss France 96),
Philippe Saillard (VP Nisssan Central Europe), Nicolas Tschann( Infinit Sales Eupope Sud).

AM : Et pourquoi cette appellation de Centre plutôt que concession ?

CH : Dans les centres INFINITI, les clients bénéficient d’un accueil personnalisé, ils sont traités d’une manière différente à tout ce qu’on peut voir dans l’automobile. Ils sont accueillis dans un véritable Lounge-Gallery. Plus proche d’un hôtel de luxe que d’un garage. Aujourd’hui, les clients veulent qu’on s’occupe d’eux, c’est ce qu’il ressort des nombreuses études que nous avons faites. Le « Total Ownership Experience  »( TOE) est réservé à tous nos clients, dès qu’ils ont mis un pied chez Infiniti.

Emmanuelle Béart à l’inauguration du Centre INFINITI de Paris.

Par exemple, si un client a un incident a Varsovie , Londres ou Lisbonne, , il tape INFINITI sur son téléphone et une équipe dédiée s’occupera de lui ,7j sur 7 24h sur 24 dans toute l’Europe. Ca, c’est un véritable service digne des grandes marques de luxe tel qu’on peut le voir dans l’hôtellerie. C’est exclusif de rouler en INFINITI et le client doit avoir ce ressenti.

Centre INFINITI de Genève.
Gert Van Adont, Géraldine Fiol et l’équipe de Turbo (M6).

AM : A quelles évolutions peut-on s’attendre dans les prochains mois ? INFINITI compte-t-elle descendre en gamme comme le font nombre de concurrents premium (Audi avec l’A3 puis l’A1, Lexus et sa CT200h,…)?

CH : Au départ, les modèles INFINITI devaient répondre aux exigences du marché américain. Avec l’implantation de la marque en Europe, INFINITI envisage bien entendu 2 modèles du gabarit d’une berline compacte et proposera prochainement dans sa gamme un « LUXURY ENTRY VEHICULE ». D’ailleurs, nous allons dévoiler au Salon de Genève un concept car de ce futur véhicule.

Ce sera une voiture plus urbaine, disponible en moteur thermique, mais aussi plus tard dans une version électrique ! Une voiture moins puissante et luxueuse, avec un gabarit plus adapté à l’Europe.

AM : Elle ne sera vendue qu’en Europe ?

CH : Non cette voiture sera globale et sera donc vendue sur tous les territoires où les clients INFINITI la réclameront.

Infiniti restera résolument sportif , raffiné avec son ADN japonais qui le rendront toujours très distinctif des autres marques Premium.

Un grand merci à Claude HUGOT de m’avoir reçu à plusieurs reprises et de m’avoir également fourni toute l’iconographie nécessaire à l’illustration de cet entretien.

Crédit photos : INFINITI. Tous droits réservés.

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